L’absorption de la vitamine B12 apportée par l’alimentation
La vitamine B12 (cobalamine) est la plus «précieuse» des vitamines – elle est rare et nos besoins journaliers sont d’à peine 2,5 μg. Ce n’est que dans l’estomac que la majeure partie de la vitamine B12 est libérée de son environnement protéique. Dans l’intestin grêle, elle se lie ensuite au «facteur intrinsèque» produit dans l’estomac, avant d’être absorbée sous cette forme par les récepteurs spécifiques des cellules intestinales. Tandis que le facteur intrinsèque est dégradé dans les cellules, la vitamine B12 passe dans le sang de la veine porte où elle se lie à la transcobalamine qui la protège pour la suite de son transport jusqu’aux autres cellules. Grâce à ce système facteur intrinsèque-dépendant (hautement spécifique), un apport de 10 µg avec un repas permet l’absorption d’environ 1 à 2 µg de vitamine B12.
Une absorption possible également sans facteur intrinsèque
La quantité de facteur intrinsèque disponible suffit pour l’absorption active de 1 à 2 µg de vitamine B12. L’absorption de plus grandes quantités se fait sans facteur intrinsèque par diffusion passive dans l’intestin grêle. Toutefois, elle ne permet d’absorber qu’approximativement 1% des apports, autrement dit environ 5 µg seulement pour 500 µg de vitamine B12 ingérée. De ce fait, ce mécanisme d’absorption passif n’entre en ligne de compte qu’à des doses élevées, impossibles à atteindre avec une alimentation normale. En revanche, des doses orales à partir d’environ 250 µg peuvent prévenir une carence en vitamine B12 en cas de sécrétion réduite (ou inexistante) de facteur intrinsèque. Une injection n’est donc pas systématiquement nécessaire et une supplémentation orale, si elle est bien dosée, permet généralement de compenser tout aussi bien les déficits.
Structure chimique
La vitamine B12 est l’une des molécules les plus complexes qui soient en biologie. Aujourd’hui encore, les formes utilisées par les fabricants sont presque toujours produites par des bactéries, car la synthèse chimique de cette molécule est trop compliquée. Différents résidus de cobalamine (désignés par R à la figure 2) peuvent être liés à l’ion cobalt et s’y attacher ou s’en détacher lors des réactions biochimiques successives. Les différentes cobalamines sont baptisées en fonction de ce résidu R, l’hydroxycobalamine ou la méthylcobalamine par exemple. L’absorption de la vitamine B12 dans les cellules intestinales se fait cependant toujours sans résidu R, autrement dit sous forme de cobalamine «dénudée» qui reçoit à nouveau un groupe R selon sa fonction et sa cible.
Dans chaque cellule humaine, la vitamine B12 a deux fonctions principales: se lier à court terme à un groupe méthyle ou adénosyl-coenzyme A pendant que celui-ci passe d’un substrat à l’autre. La vitamine B12 est donc un cofacteur de différentes enzymes importantes.
Les fonctions de la vitamine B12 dans la cellule
1. Liaison temporaire des molécules de méthyle pendant la synthèse de la méthionine
La méthionine synthase, enzyme dépendante de la vitamine B12, permet la conversion de l’homocystéine (identifiée comme facteur de risque de problèmes cardiovasculaires) en méthionine, un acide aminé (voir figure 3). Cette réaction apporte le groupe méthyle via le méthyltétrahydrofolate (une forme méthylée d’acide folique), qui se lie temporairement à la vitamine B12 (dans cette réaction biochimique, le «R» de la fig. 2 est donc un groupe méthyle). La vitamine B12 est ensuite activée, avant de se lier à l’homocystéine. La vitamine B12 inactivée est alors prête pour un autre cycle de synthèse qui a lieu dans le plasma cellulaire.
2. Liaison temporaire des groupes adénosyle
Dans les mitochondries, l’enzyme méthylmalonyl-CoA mutase ajoute un groupe adénosyle à la méthylmalonyl-coenzyme A, ce qui aboutit à la formation de la succinyl-coenzyme A. Pendant cette réaction biochimique, le groupe adénosyle se lie temporairement à la vitamine B12 (le «R» de la fig. 2 est alors un groupe adénosyle, la vitamine B12 peut donc être considérée comme «activée»). La vitamine B12 inactive est ensuite prête pour un autre cycle de synthèse tandis que la succinyl-coenzyme A peut servir de substrat, entre autres pour la synthèse de l’hème (la molécule de transport de l’oxygène), ou intervenir dans le métabolisme énergétique.
Les formes de la vitamine B12 dans l’organisme humain ou les suppléments
L’adénosylcobalamine:
Cette forme est principalement utilisée dans les mitochondries des cellules cibles et pour le stockage des réserves de vitamine B12 dans le foie.
La méthylcobalamine:
Joue un rôle dans le cytosol des cellules. C'est aussi sous cette forme que la vitamine B12 est le plus souvent transportée dans le sang
L’hydroxocobalamine:
Le résidu «R» est un groupe OH. C’est la forme sous laquelle la vitamine B12 est le plus souvent absorbée à partir de l’alimentation. Lors de l’absorption dans les cellules intestinales, le groupe OH est séparé du reste de la molécule, comme tous les autres résidus «R». Quand les cellules intestinales n’utilisent pas directement la vitamine B12, elles la libèrent dans la circulation sanguine au niveau de leur membrane baso-latérale – l’hydroxocobalamine et la méthylcobalamine sont les deux principales formes circulantes.
La cyanocobalamine:
Le résidu «R» lié au cobalt est cette fois un groupe cyanure. L’avantage de cette forme est sa grande stabilité dans les comprimés et les capsules, le faible risque d’interactions avec d’autres micronutriments et sa bonne détectabilité en laboratoire. C’est la forme de vitamine B12 la plus souvent utilisée dans les compléments alimentaires.
Du cyanure dans des préparations de vitamine B12
L’inconvénient des préparations à la cyanocobalamine: elles contiennent du cyanure, mais il s’agit avant tout d’un frein psychologique. Dans les faits, la quantité de cyanure est tout à fait négligeable et sans conséquences pour l’organisme qui dispose de toute façon de la rhodanèse, l’enzyme chargée de dégrader les composés cyanurés présents dans certains aliments d’origine végétale comme les amandes et les graines de lin concassées. À titre de comparaison: une seule cigarette apporte 400 à 500 μg de cyanure. L’Office fédéral allemand de l’évaluation des risques (BfR) considère que l’apport de 4,5 mg d’acide cyanhydrique par jour est sans risque – une dose qui ne serait atteinte qu’avec 225 mg de cyanocobalamine absorbée, soit plusieurs centaines de comprimés de vitamine B12 hautement dosés par jour.
En cas d’administration intraveineuse de vitamine B12 à des doses très élevées, la cyanocobalamine semble être éliminée plus rapidement par les reins que les autres formes de vitamine B12. Toutefois, en cas d’administration orale, toutes les formes sont équivalentes.
En conclusion
Sur le plan thérapeutique, l’administration de vitamine B12 sous forme injectable n’est pas systématiquement nécessaire – la supplémentation orale fonctionne généralement aussi bien. Il faut absolument veiller à utiliser des doses suffisamment élevées. La forme sous laquelle la vitamine B12 est proposée dans les compléments oraux n’a pas d’importance pour sa bonne assimilation – toutes les formes sont équivalentes en cas d’administration orale. On n’observe aucune différence en termes d’effet clinique. La prétendue supériorité des formes orales activées est surtout défendue par des sites Internet spécialisés et certains fabricants qui allèguent que l’adénosylcobalamine et la méthylcobalamine possèdent une plus grande efficacité au niveau du métabolisme cellulaire. Ces sites Internet et les représentants des fabricants passent sciemment sous silence le fait que la vitamine B12 doit d’abord passer de l’intestin à l’intérieur des cellules intestinales et que, lors de ce processus, le groupe «R» est toujours séparé du reste de la molécule. La cobalamine ainsi «dénudée» reçoit ensuite un nouveau groupe «R» selon la situation métabolique et parvient, seulement via la circulation sanguine, jusqu’aux cellules cibles (où le groupe «R» est de nouveau scindé lors de l’entrée dans la cellule). Le groupe «R» initialement présent ne joue donc aucun rôle et la vitamine n’est activée au sens strict du terme que dans le cadre de ses fonctions métaboliques à l’intérieur des cellules cibles. L’être humain est autrement plus complexe qu’une boîte de Petri remplie de cultures cellulaires.